vendredi 19 août 2011
à 23h47
- par Sylvain
Là aussi, comme pour La fortune de Sila, il s’agit d’un bouquin sérieux, dense, prenant, bien écrit.
Le sujet est intéressant : qui sommes nous, à titre individuel, et, au regard des horreurs de l’histoire, que pouvons nous devenir.
La thèse sur le premier sujet est surprenante. L’intrigue amène à penser que le héros, pour l’auteur, serait le résultat des actes de ses aïeux, même si en l’espèce, celui-ci n’a pas connu son vrai père biologique. Au point qu’on peut s’interroger sur le titre réel de ce livre, qu’on pourrait plus lire comme "la violence des origines", que comme "l’origine de la violence".
Au pays de Sartre et de l’existentialisme, et sous la plus d’un auteur agrégé et docteur es lettres, c’est surprenant. Et cela résonne, en contrepoint, avec le livre de A. Jardin, "Des gens très bien", qui considère aussi plutôt sa généalogie comme un poids à porter plus que comme l’écrin de son épanouissement.
En tout état de cause, c’est intéressant, car cette façon de raconter le passage de l’adolescence et de ses illusions à l’âge "de raison" est a tout le moins jolie, agréable à lire, et amusante pour le Neurone.
Sur le deuxième sujet, l’illustration des devenirs possibles rajoute un niveau de complexité à la première thèse.
Entre le grand-père, probablement collabo et cocu mais digne, le père, faux fils du grand père et portant cet affront, qu’il n’a pas commis et la vengeance de ne pas avoir connu son vrai père, avec difficulté mais courage, puis le petit-fils, découvrant au début de sa vie d’homme qu’on peut vivre mieux dans le mensonge et l’oubli que dans la lumière, on découvre trois destins d’hommes qui se sont faits par leurs actes, en se débattant avec leur environnement.
Un peu comme de l’existentialisme mâtiné de vision systémique, telle que la présentait De Rosny. Un existentialisme dépouillé de son absolu pour tenir compte, heureusement, que même si on est ce qu’on fait, on ne vit pas seul, et on fait aussi ce que la société attends de nous.
Cette vision est encore renforcée par l’histoire des Allemands, ici utilisés comme le repoussoir (les méchants, en somme). Des gens qui, in fine, selon l’époque à laquelle ils ont vécu, ne pouvaient que devenir fous, et dangereux, ou dignes de l’amour le plus fou, comme la belle Sophie (probablement la fille de M. Philo, dans la cas présent).
Ca fait du bien, de temps à autres, de lire un livre à la fois bien écrit, avec une histoire bien conçue, peut être un peu auto-biographique mais ce n’est pas important, et surtout, après lequel il reste comme une envie de penser, de s’user le neurone à essayer de comprendre ce que l’auteur voulait signifier.
Ici, c’est franchement le cas. A dévorer sans tarder.
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