Ce que le jour doit à la nuit
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Mon père a essayé jusqu’au bout. Jusqu’à ce que ses récoltes, pour une fois opulentes, aient brulé sur pied, la veille de la moisson. Alors, il a abandonné, signé le rachat de notre maison et de ses terres par un Caïd local, et il est parti vers Oran.
Oran, la ville ou il espérait se refaire une situation par le travail. Oran, la ville des colons, avec ses avenues si belles, exact contrepoint des quartiers populaires et misérables ou nous avons trouvé, grâce à mon oncle, un coin où survivre. Mais le rêve de mon père s’est évanoui, et il a bien fallu se rendre à l’évidence. Mon avenir était chez mon Oncle.
Il m’a accueilli comme le fils qu’il n’avait pas eu, avec son épouse, catholique. Ils tenaient une pharmacie, et cela en faisait des privilégiés. A cheval entre les communautés, comme un pont reliant les hommes et les femmes de bonne volonté.
Mais l’histoire nous a rattrapé, les premiers troubles couvaient dans cette Algérie dont le peuple souffrait. Et il a fallu partir vers Rio Salado, bourgade moins exposée que Oran aux échauffourée.
J’y ai vécu ma jeunesse et mon adolescence, ami avec les garçons de mon âge, qu’ils fussent Juifs, Musulmans ou Catholiques. Et, les ans passant, mon sourire enjôleur eut raison d’une femme habitant une maison sur la colline.
Puis il y eut Emilie, Emilie que j’aimais de tout mon coeur, mais que sa mère m’avait fait jurer de ne jamais approcher car c’était elle, sa mère, qui m’avait initiés aux plaisirs de la chair... Elle finit par se marier avec mon ami, Simon, non sans être venue une dernière fois me supplier de lui avouer mon amour pour elle. Mais j’avais juré.
Je devins pharmacien, remplaçant mon Oncle dans son officine. Lui n’avait pas supporté les déchirements qu’il pressentait entre les factions, il en était devenu apathique, sans énergie.
Au début des événements, je ne m’étais pas vraiment engagé. Je fus rattrapé par mon passé une nuit. Des fellagas sont venus m’imposer de soigner un homme grièvement blessé. Il a survécu, et donc moi aussi. Mon engagement se limita à fournir des médicaments à la rébellion. Et à constater le déchirement du pays, voir mes amis mourir car ils n’avaient pas la bonne hérédité... ou fuir, pour retrouver un pays qu’ils ne connaissaient pas. Et les Algériens retrouver le pouvoir dans le pays.
40 ans plus tard, je retrouvais ces amis à l’occasion de l’enterrement d’Emilie. Les retrouvailles furent complexes, mais la joie de revoir ces hommes et ces femmes qui aimaient la même terre que moi fût la plus forte. L’Algérie nous réunissait.
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