C’est dimanche et je n’y suis pour rien
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Cela faisait 25 ans. 25 ans que je vivais mornement, dans une sorte de coton sans joie.
Alors, malgré Laurent avec qui j’avais stabilisé une liaison depuis quelques années, il fallut que j’y aille. Que j’aille retrouver sa tombe. Et les souvenirs. Manuel, son ami, qui était venu me dire qu’il était à l’hôpital, le voir, dans le coma, et puis la famille qui m’avait rejetée, celle par qui cela était arrivé.
Je commençais par son lieu de résidence en France. Une employée apathique me fît la grâce de me délivrer son certificat de décès. Mais sans lieu de sépulture, détail symbolique que la République, et donc ses Fonctionnaires, n’avaient que faire.
Je parti alors au Portugal, avec trois jours devant moi pour dénicher une tombe dans ce pays de 600 kilomètres de long. Mais la gentillesse des Portugais n’était pas une légende, et je retrouvais d’abord son village, ensuite le cimetière du village, puis finalement sa tombe. Je restais là, un après midi entier à pleurer devant cette dalle portant juste son nom et une mauvaise photo avivant mes souvenirs.
Derrière moi, une femme restait droite, me regardant sans me parler, avec un air fermé. Puis elle me demanda si je le connaissait. Alors je lui ai tout raconté, notre rencontre, les mois de bonheur à se voir, mon mensonge à mon père, qui croyait que j’étais allée chez une amie alors que j’avais pris une tente pour le rejoindre. Et cette nuit. La seule fois. Sa dernière nuit.
Je fut choyée, comme quelqu’un de la famille, car c’est ça, finalement une famille : pleurer les mêmes morts. Et ne pas oublier néanmoins qu’il faut vivre. Retrouver la couleur.
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