Antimanuel de Philosophie

mardi 3 septembre 2019
par  Sylvain
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L’auteur aborde différents thèmes chers à la philosophie qu’il introduit d’une sorte de leçon, puis qu’il illustre de divers extraits de philosophes, apportant différents points de vue ou éclairages sur le thème.


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lundi 14 octobre 2019 à 21h34 - par  Sylvain

Bien que les thèmes soient un peu décousus, l’ensemble est une introduction sympathique à la réflexion et à la culture philosophique.

Et il met en évidence qu’en philosophie, il n’y a pas de vérité, mais des choix personnels, éclairés des écrits des anciens.

Le prolongement de cette lecture m’a fait penser à l’évolution du raisonnement, vu comme le moyen de penser l’orientation vers une finalité, au moins en Europe (je ne suis pas historien, mais je me lance, ça fera toujours un truc à dire lors des fins de repas).

Au début était la magie, que ce soit pour expliquer le monde ou pour l’orienter dans un sens qui nous arrange. Il n’y a pas d’intercession entre l’idée et sa réalisation, mais seulement une procédure.

Le dernier avatar de la magie est la baguette qui permet d’agir sous réserve de respect d’une formule et d’un geste. Le corollaire est qu’il ne peut y avoir de raisonnement, puisque par définition : c’est comme ça, sans qu’on ne sache pourquoi.

Puis est venue le temps des Religions, intercession d’un ou plusieurs êtres, plus ou moins fabuleux, entre le monde et nous.

Cette arrivée me semble coïncider plus ou moins avec l’émergence de la capacité à agir de façon réelle sur la nature, à travers le pastoralisme et l’agriculture. Le Dieu est l’abstraction du berger du troupeau, de l’agriculteur qui fait pousser droit ses moissons.

La nouveauté est qu’on peut lui demander des actions avec un intérêt pour les conséquences futures de ses demandes. Donc faire des plans, raisonner. En parallèle de quoi chaque Dieu envoie des signaux, qu’il s’agit de décoder, de respecter, d’interpréter.

Ce bouillonnement de réflexions nécessite à un moment de questionner les limites de ces demandes et de ces décodages, les limites du champ légitime de nos actions. C’est, il me semble, le temps de la philosophie.

Ce qui est nouveau par rapport aux Religions, c’est qu’il n’y a plus de vérité absolue ou révélée, ce qui nécessite d’une part l’émergence de l’argumentaire, comme outil de recherche de la conviction de l’autre, et d’autre part l’écoute de l’autre et de son argutie, que ce soit pour la réfuter ou pour la partager.

C’est exactement ce que nous donne à voir M. Onfray dans son opus.

Mais Il ne s’agit pas de démonstration, ni même de rigueur dans le raisonnement. Plutôt d’affirmations, sur le modèle des religions, de l’expression d’un "fil de pensée » auquel l’autre adhère, ou pas.

La suite est l’introduction de la mathématique dans la physique. La mathématique démontre, et la physique, en s’appuyant sur celle-ci, explique et prévoit. Dans les échanges de savoirs, on passe de conviction à explication. Et surtout à des savoirs dont on connait à la fois l’utilité et les limites.

Paradoxalement, cela a ouvert le développement de raisonnements dans tous les domaines scientifiques "simples".

Prévoir, expliquer, démontrer, permet de bâtir sur du solide et à plusieurs, donc haut. Pas de chapelle ou de querelle de religions quand il s’agit de calculer un pont ou d’envoyer un homme sur la lune. Il peut y avoir plusieurs solutions, mais on peut rationaliser le choix d’une solution dont on est raisonnablement sûr qu’elle est la bonne.

Nous butons maintenant sur l’analyse des systèmes complexes, qu’ils soient économiques ou écologiques. La notion de système est théorisée depuis quelques décennies, mais l’identification et la connaissance d’un système un peu compliqué (cerveau humain, biotope, climat, économie du bien être...) ne permet toujours pas de disposer d’un moyen de le prédire.

La conséquence en est que vis-à-vis de ces phénomènes, on retrouve les arguties moyenâgeuses, les mises à l’index ou au pilori des efforts des scientifiques, et les jugements à l’emporte-pièce.

Face à ces enjeux techniques, nous sommes revenus au temps des premiers scientifiques, et faute de démonstration de la vérité, nous menaçons ceux qui cherchent et conjecturent des nécessités désagréables de buchers médiatiques, buchers tout aussi efficace que les buchers réels pour convaincre les foules d’en rester aux certitudes.

Sans vision claire, partagée et irréfutable des analyses sur ces problématiques, on se fourvoie tant dans les théories économiques absurdes que dans l’industrialisme chauvin. Trump est le dernier (pour l’instant) chantre de ces comportements irrationnels et stupides, le plus représentatif et malheureusement le plus puissant.

Restons optimiste, en d’autres temps et face aux même idioties, il y a eu le "Et pourtant, elle tourne".

J’ai eu un temps l’espoir que au moins pour la France, une approche plus rationnelle des problème pourrait advenir d’un changement massif du personnel politique. Las, la soupe est bonne, et l’enlisement de l’action publique est profond.

Ce qui me rassure est que la jeunesse s’empare d’un rapport à l’analyse scientifique, et à l’action qui en découle, plus mûr que celui de leurs parents.

Les parents ont vécu dans un monde de certitudes techniques, les jeunes ont compris qu’il s’agissait d’aller dans la moins mauvaise direction, et d’adapter. J’aime bien car j’ai retenu de mes cours (anciens) que c’est à ce jour quasiment la seule façon d’appréhender un système complexe et analogique.

Reste à espérer que l’action sera suffisante, et que nous n’irons pas sur une trajectoire catastrophique, que ce soit sur le climat (terre non habitable), la politique (disparition de la démocratie) ou l’économie (perte de la recherche du bien-être partagé).

Reste surtout à espérer qu’émergera vite une mathématique à même d’apporter des outils de maitrise des systèmes complexes permettant ce que la mathématique actuelle a su faire pour les choses simples. Sur ce point, malheureusement, ce que je comprends des orientations de la recherche en IA me laisse sceptique. Gageons que j’ai tort.

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