Frictions

vendredi 30 avril 2010
par  Sylvain
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A 11 ans, il vit presque seul avec sa mère. Bien sûr, elle a quelques amants, jamais à la maison, et bien sûr, le père passe, de temps à autres, laisser quelques billets. Jusqu’à cette fois, ou il était plus sérieusement blessé et qu’il a réellement du partir loin. Mais que la mère avait réussi à lui voler son sac.

A 22 ans, il s’installe avec sa première petite amie sérieuse. Indépendant, grâce à son boulot de mannequin, et "en couple". Sa mère se noie dans les liaisons sans lendemain, mais avec alcool. Lui, au hasard des rencontres de sa mère, s’entiche de la fille de l’amant. L’histoire ne peut pas durer, ni pour l’une, ni pour l’autre.

A 30 ans, il est marié, vit d’activités plus ou moins illicites, sous le couvert d’un métier respectable d’éditeur. Sa mère s’est stabilisée, et a accepté son départ. A la suite d’un tremblement de terre, la maison des voisins explose d’une fuite de gaz. Dans l’explosion, sa femme, enceinte de plus de 8 mois, est mortellement blessée.

Vers 40 ans, sa mère rencontre le sosie de son père, pourtant décédé depuis plus de 20 ans. Seul défaut, au bout de quelques jours, c’est un ivrogne. Il lui faut alors traiter ce problème, lui trouver ne solution définitive.

A la cinquantaine, sa fille est maintenant grande, et en âge, elle aussi, de vivre sa vie. Mais les choix de sa fille lui semblent contestables, trop vieux, trop décadent. Et ce n’est pas le fait que sa mère soit en phase avec sa fille qui va lui faire changer d’avis...


Commentaires

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vendredi 11 juin 2010 à 23h53 - par  Sylvain

Oui, Djian reporte la faute sur la mère, et la faiblesse (l’acceptation tacite et sans réaction) sur l’homme/fils.

C’est amusant cette lecture du "sexe fort", non ?? Rassurant, pour les femmes ?

Et tu ne peux pas demander à Djian, mec, d’écrire sur la difficulté des femmes à se construire. Il faut le vivre, je pense.

J’ai vu ça dans Nothomb, et surtout dans ’l’Amant", de Duras. Un livre superbe, que j’ai lu il t a très longtemps, ou elle raconte son initiation à la fois sensuelle et à son pouvoir (éphémère) de femme.

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mercredi 9 juin 2010 à 23h04 - par  jackie

C’est c’est bien ce que je voulais dire. S’il lui est impossible d’aimer une femme, c’est bien à cause de sa mère : on dirait que sa mère lui diffuse une substance toxique (dont il ne peut se passer) par ce cordon qu’elle n’a jamais coupé. Son fils lui appartient. Il est tjs là pour elle, et elle trouve ça normal. Il ne vit que par et pour sa mère. Finalement c’est lui son mari. Donc il ne peut être le mari d’une autre.

Et la difficulté de se construire en tant que femme dans ce monde machiste, hein ?(...).

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mercredi 9 juin 2010 à 22h23 - par  Sylvain

Car ce n’est pas lui qui n’aime pas les femmes, c’est sa mère, qui ne lui laisse pas d’autres choix.

Certes, il est aussi coupable, par faiblesse. Mais peut-on vraiment repousser une femme, dans un cas comme celui-ci ?

Et il s’identifie tellement au mari (même métier, finalement), qu’il en arrive à le tuer, quand le sosie du père revient.

C’est un livre sur la difficulté à se construire comme homme, dans un monde non pas dominé mais construit par les femmes.

Et c’est bien le pb des hommes, non ?

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mercredi 9 juin 2010 à 22h04 - par  jackie

Ce n’est pas que j’accroche pas mais, mais ce genre d’histoire me fous un cafard terrible : le fils est incapable d’aimer une femme autre que sa mère finalement ("tu ne sais pas ce que c’est que l’amour" comme lui rappelle sans cesse sa mère). Et je trouve ça absolument désespérant. Autant dans l’"attrape coeur" je trouvais qu’il y avait de quoi être optimiste pour l’avenir du garçon car il aimait les femmes et les respectaient. Autant là...

Le style : très "cinématographique", des scènes, des zooms sur des situations, des conversations. On a l’impression de voir défiler les images en lisant. Et ça, c’est fort.

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dimanche 2 mai 2010 à 22h25 - par  Sylvain

toutes ses femmes. Sa mère, bien sûr. Personnage omniprésent, car enfant, il s’est bâti sans père. Et elle a vécu sans mari.

Pas par choix, mais par nécessité, probablement goût, aussi, mais sans jamais se l’avouer. A ramené les hommes à un chiffre après une partie de jambe en l’air : combien, sur l’échelle de Richter ? Et ce premier déséquilibre implique les autres. Il n’est pas mal de l’absence de père, mais de l’absence de mari.

Au point, d’ailleurs, de se débarrasser de celui qui aurait pu prendre le rôle. Retour par l’absurde à un point d’équilibre qui n’en est pas un.

Sa fille, aussi. Fruit des amours avec Elle. Rencontrée par hasard. Épousée par hasard. Morte par hasard. La mère de ses enfants réduite au rôle de femme de passage. Antithèse du père, second déséquilibre. Mais une fille qui, comme sa mère, a une vie à vitre, en fait. Et qui le fait savoir. Avec efficacité. En se mettant en ménage avec le fils d’un homme qui fût, dans une vie très antérieure, l’idole de son père. Symbole... La réalisation du fantasme à travers sa fille. Qui ne supporte pas, finalement, ce regard sur les choses qui passe à travers elle. Et qui le dit, le vit, repousse son père, pour grandir.

Ce que lui n’a jamais su faire. Devenant adulte, elle le ramène à sa condition d’enfant, même s’il est son père.

Et les autres, la maitresse, les amis, les faire-valoir... toutes ces femmes qu’on croise, qu’on regarde (ou pas), qu’on pénètre, en passant.

En discutant avec une amie, je me suis fait la réflexion suivante : M. Djian explique avec intelligence la peur des femmes qui ressort de toutes les religions. Nous, hommes, sommes tellement peu par rapport à elles. Tellement insignifiants que la meilleure façon de ne pas avouer qu’on est à elle(s) est encore de dire qu’elles sont à moi, homme dominateur.

C’est un livre tout simple, composé de 5 morceaux presque indépendants, 5 petites histoires toutes douces, mais qui, reliées, forment un tout d’une rare violence. L’explication d’une vie perdue. Encore une fois, c’est grand.